J.O. 33 du 8 février 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 02442

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Décision n° 2002-2759 du 30 janvier 2003


NOR : CSCX0306305S



Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Jean-Pierre Martinez, demeurant à Perpignan (Pyrénées-Orientales), enregistrée le 27 juin 2002 à la préfecture du département des Pyrénées-Orientales, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 3e circonscription du département des Pyrénées-Orientales pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les mémoires en défense présentés par M. François Calvet, député, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 2 septembre, 5 novembre 2002 et 28 janvier 2003 ;

Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Martinez, enregistrés comme ci-dessus les 26 septembre, 12 et 18 décembre 2002 et 24 janvier 2003 ;

Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 4 décembre 2002 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 7 octobre 2002 approuvant le compte de campagne de M. Calvet ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur les griefs tirés de la violation des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : « Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. - A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin... » ;

2. Considérant que le requérant fait grief à M. Calvet d'avoir organisé, dans les mois qui ont précédé les opérations électorales, une campagne de communication à caractère publicitaire en faveur de sa candidature, en tirant parti soit de manifestations diverses telles qu'une réunion d'anciens combattants, une vente d'oeuvres d'art, un carnaval ou la présentation traditionnelle des voeux pour l'année 2002, soit de son activité de vice-président du conseil régional, dans le cadre de la promotion d'un parc naturel régional ou du classement du « petit train jaune » au patrimoine mondial de l'UNESCO ; que, toutefois, il ne résulte de l'instruction ni que l'information du public à cet égard, en particulier par le journal L'Indépendant, ait comporté l'utilisation à des fins de propagande électorale d'un procédé de publicité commerciale, ni qu'elle ait pris la forme d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité territoriale organisée par cette dernière ;

3. Considérant que la circonstance que M. Calvet ait répondu au questionnaire adressé à tous les candidats par une organisation « catalaniste » et que son nom ait figuré à ce titre sur le site Internet de cette organisation n'a pas davantage constitué une infraction aux dispositions précitées ;

4. Considérant que, si, dans le numéro de mai-juin 2002 du magazine Horizons Sud, financé par la région Languedoc-Roussillon, le président du conseil régional, après avoir commenté l'élection présidentielle et la nomination du Gouvernement, a conclu son éditorial en émettant le souhait qu'une majorité soutienne la « politique nouvelle » afin qu'elle « s'inscrive dans la durée », la diffusion de ce document, rédigé en termes généraux, ne peut être regardée, par son contenu, comme une opération de promotion de la candidature de M. Calvet contrevenant aux prescriptions de l'article L. 52-1 du code électoral ;

5. Considérant que, si le numéro de décembre 2001 de la revue La Lettre de l'environnement, publiée par un organisme lié à la région Languedoc-Roussillon, comporte deux pages où figure une photographie de l'intéressé, consacrées à un entretien avec M. Calvet sur des questions d'aménagement du territoire relevant des attributions de la commission du conseil régional qu'il préside, ce document ne peut être regardé, eu égard aux thèmes abordés et à la teneur non polémique des propos tenus, comme un moyen de propagande électorale ;

Sur les griefs tirés d'irrégularités commises pendant la campagne électorale :

6. Considérant que, si le premier alinéa de l'article L. 49 du code électoral interdit de « distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents », cette interdiction ne s'applique pas aux distributions effectuées pendant les jours qui précèdent celui du scrutin ; que, par suite, M. Martinez n'est pas fondé à soutenir que M. Calvet aurait méconnu les dispositions précitées en distribuant, la veille du second tour du scrutin, un tract dont il n'est pas démontré qu'il aurait introduit dans la campagne électorale un élément nouveau auquel l'adversaire de M. Calvet n'aurait pu répondre ;

7. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale » ; que l'intervention de M. Calvet sur les questions relatives à l'aménagement du territoire en Languedoc-Roussillon ne peut être regardée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, comme revêtant un caractère électoral ; que, dès lors, le grief tiré de ce que la présence de ce document sur le site Internet de La Lettre de l'environnement aurait constitué une infraction aux prescriptions précitées n'est pas fondé ;

8. Considérant que le grief tiré de ce que M. Calvet aurait eu recours à des agents des communes du Soler et de Perpignan pour la distribution de ses documents de propagande électorale n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

9. Considérant qu'il est constant que, d'une part, M. Calvet a adressé le 28 mai 2002 par voie postale des lettres circulaires à certains électeurs regroupés par catégorie professionnelle et que, d'autre part, le maire de Perpignan a appelé les électeurs de la circonscription habitant sa commune à voter pour M. Calvet au moyen de lettres circulaires diffusées le 28 mai et le 13 juin 2002 ; que, si M. Martinez soutient que ces documents ont été diffusés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 165 du code électoral, il résulte de l'instruction que les termes de ces documents n'excédaient pas les limites habituelles de la propagande électorale ; que l'adversaire de M. Calvet a pu y répondre en temps utile et qu'il a lui-même utilisé de semblables procédés ; que, dans ces conditions, les faits invoqués ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une manoeuvre susceptible d'avoir faussé les résultats du scrutin ;

10. Considérant que ni l'organisation traditionnelle, en décembre 2001, d'un repas de Noël en faveur des personnes âgées de la commune du Soler, ni la présentation par M. Calvet de ses voeux de nouvel an à ses administrés ne révèlent l'existence d'une manoeuvre de nature à avoir affecté les résultats du scrutin ;

11. Considérant que, si M. Martinez fait état de ce que le suppléant de M. Calvet aurait procédé à la distribution de poulets et aurait offert un méchoui à certains électeurs de la circonscription, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ;

12. Considérant que les affirmations de M. Martinez relatives aux pressions que M. Calvet auraient exercées sur des électeurs en utilisant ses fonctions de vice-président du conseil régional ne sont pas assorties de précisions suffisantes quant à la réalité ou à l'intensité des pressions alléguées ;

Sur les griefs relatifs au déroulement et au dépouillement du scrutin :

13. Considérant que le requérant fait état de ce que, en entrant dans le bureau de vote no 41 de la commune de Perpignan, un électeur aurait proféré des injures à l'égard de l'adversaire de M. Calvet ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce comportement ait été de nature à influencer l'issue du scrutin ;

14. Considérant que les allégations de M. Martinez relatives aux autres incidents qui auraient troublé le déroulement du second tour de scrutin ne sont étayées d'aucune preuve ;

15. Considérant que les griefs tirés de l'irrégularité de certains votes et des conditions de dépouillement et de décompte des suffrages ne sont pas établis ;

Sur les griefs relatifs au financement de la campagne de M. Calvet :

En ce qui concerne la participation de personnes morales au financement de la campagne de M. Calvet :

16. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;

17. Considérant que M. Martinez fait grief à M. Calvet d'avoir enfreint les dispositions précitées en ayant tiré profit, directement ou indirectement, pour la promotion de sa candidature, de diverses opérations de communication financées par la commune du Soler, la commune de Perpignan et la région Languedoc-Roussillon ;

18. Considérant que, comme les années précédentes, les personnes âgées habitant Le Soler ont été conviées en décembre 2001 par le centre communal d'action sociale à un repas de Noël ; que, contrairement à ce qu'affirme le requérant, il ne résulte pas de l'instruction que cette manifestation traditionnelle ait revêtu un caractère électoral, ni par le nombre des convives, ni par les propos tenus par le maire ; que, par suite, les dépenses occasionnées ne peuvent être regardées comme ayant été exposées dans le cadre de la campagne électorale de M. Calvet ;

19. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il n'est pas établi que les articles de presse et les actions de communication, mis en cause au regard des articles L. 49 et L. 52-1 du code électoral, puissent être regardés comme des campagnes de promotion publicitaire ; qu'en particulier, la publication, dans le numéro de décembre 2001 de La Lettre de l'environnement, de la photographie de M. Calvet et des propos qu'il a consacrés à des questions liées à l'aménagement du territoire en Languedoc-Roussillon est dépourvue de caractère électoral ; que le requérant n'établit pas davantage que des collectivités territoriales auraient organisé la promotion de la candidature de M. Calvet ; que les allégations de M. Martinez relatives à la participation de membres du personnel des communes du Soler et de la région Languedoc-Roussillon à la campagne électorale de M. Calvet ne sont pas non plus établies ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à prétendre que M. Calvet aurait bénéficié de concours prohibés par l'article L. 52-8 du code électoral de la part des personnes morales susmentionnées ;

20. Considérant, enfin, que, si, avant le premier et le second tour de scrutin, M. Alduy, en sa qualité de « maire sénateur », a adressé aux électeurs de Perpignan appelés à voter dans la 3e circonscription du département des Pyrénées-Orientales des lettres circulaires, par lesquelles il les engageait à apporter leurs suffrages à M. Calvet, il n'est pas établi que le coût de réalisation et de distribution de ces lettres ait été pris en charge par la commune de Perpignan en violation de l'article L. 52-8 du code électoral ;

En ce qui concerne le dépassement du plafond des dépenses de campagne électorale :

21. Considérant que M. Martinez soutient que le total des dépenses électorales de M. Calvet dépasse le plafond fixé en application des dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral ;

22. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. Martinez, les frais de réception exposés par M. Calvet figurent dans son compte de campagne ; qu'il n'est pas établi que d'autres frais de cette nature auraient été omis ;

23. Considérant que le compte de campagne de M. Calvet a été arrêté en dépenses par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à un montant de 44 246 EUR ;

24. Considérant, ainsi qu'il a été dit en réponse aux griefs tirés de la participation de personnes morales au financement de la campagne électorale de M. Calvet, que les dépenses dont s'agit n'avaient pas en l'espèce à figurer au compte de campagne ; qu'en admettant même que les lettres circulaires adressées par le maire de Perpignan aux électeurs résidant sur sa commune l'aient été avec l'accord de M. Calvet, le total des dépenses du compte de campagne, après réintégration du coût de réalisation et de distribution de ces lettres, resterait inférieur au plafond des dépenses fixé, conformément aux dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral, à 56 930 EUR ;

En ce qui concerne les autres griefs relatifs au compte de campagne :

25. Considérant que les autres griefs relatifs au compte de campagne de M. Calvet ont été soulevés pour la première fois par M. Martinez dans des mémoires enregistrés après l'expiration du délai fixé par l'article 33 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 ; que, dès lors, ils ne sont pas recevables ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Martinez doit être rejetée,

Décide :


Article 1


La requête de M. Jean-Pierre Martinez est rejetée.

Article 2


La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.


Le président,

Yves Guéna